🏥 Christian Dubé quitte la Santé : une démission annoncée… mais politiquement lourde
Quand la réforme se heurte au mur du pouvoir médical, le ministre choisit de partir plutôt que de renier sa loi.
La démission de Christian Dubé comme ministre de la Santé surprend.
Et en même temps, elle ne surprend pas du tout.
Depuis une semaine, tous les signaux étaient là. Le malaise était visible. La question directe d’un journaliste, restée sans réponse. Le premier ministre qui, quelques jours plus tard, disait « espérer » qu’il resterait. Quand un chef en est rendu à espérer publiquement, c’est souvent que la décision est déjà prise.
Aujourd’hui, ce qui était un secret de polichinelle devient officiel.
Mais le timing, lui, est tout sauf banal.
Christian Dubé quitte à la veille de la fin du vote de la FMOQ sur l’entente de principe. Le vote est ouvert, oui, mais c’est demain qu’on saura si les médecins de famille acceptent ou non l’accord. Et pendant que les médecins votent, le ministre responsable… se retire du jeu.
Il quitte le carré.
Et ça, politiquement, c’est majeur.
Celui qui a tout tenté… et qui échoue quand même
Depuis deux ans, Christian Dubé est devenu le visage de la réforme de la santé. Le ministre qui répétait, semaine après semaine, qu’il irait « jusqu’au bout ». Le ministre que François Legault disait protéger. Le ministre présenté comme l’équivalent moderne de Gaétan Barrette sous Couillard : dur, déterminé, prêt à affronter les fédérations médicales.
Son objectif était clair : donner un médecin de famille à tous les Québécois.
Il y a mis une énergie colossale.
Il y a laissé du capital politique.
Et aujourd’hui, il part sans avoir réussi.
Dans sa lettre, Dubé reconnaît que l’entente contient des gains réels : 500 000 nouveaux patients pris en charge, un nouveau mode de rémunération. Sur le plan strictement comptable, ce n’est pas rien.
Mais le problème n’a jamais été seulement la rémunération.
La Loi 2 n’était pas une loi salariale. C’était une loi de pouvoir.
Ce que Christian Dubé visait avec la Loi 2, c’était la gouvernance.
Qui décide dans le réseau?
Qui organise le travail médical?
Qui impose des priorités collectives?
Qui gère réellement un système public financé par l’État?
Avec la Loi 15, avec Santé Québec, avec la Loi 2, Dubé construisait une architecture complète : un État gestionnaire, capable de piloter son réseau, d’exiger des résultats, de briser l’autonomie quasi absolue des fédérations.
Or, c’est précisément là que ça casse.
Dans sa lettre, il l’admet sans détour : l’entente maintient essentiellement le statu quo en matière de gouvernance. Les leviers disparaissent. Le rapport de force ne change pas. Le pouvoir réel reste entre les mêmes mains.
Et pour lui, c’est inacceptable.
Pourquoi il part maintenant
Ce n’est pas une démission émotive.
Ce n’est pas une fuite.
C’est un geste de cohérence politique.
Le gouvernement s’est donné, du 3 au 28 février, pour réécrire complètement la Loi 2 afin de la rendre compatible avec l’entente. Christian Dubé aurait dû être celui qui démantèle sa propre loi, pièce par pièce.
Et il refuse.
Parce que pour lui, refaire la Loi 2 dans ces conditions, ce n’est pas l’améliorer.
C’est saccager deux ans de travail.
C’est renier le cœur même de sa réforme.
C’est transformer une loi de gouvernance en simple ajustement technique.
Il n’a pas le cœur à ça. Et honnêtement, on peut le comprendre.
Ce que cette démission révèle vraiment
La démission de Christian Dubé est un aveu politique brutal.
Un aveu que, malgré une majorité, malgré la pandémie, malgré l’urgence criante, l’État québécois n’a pas réussi à reprendre le contrôle de son système de santé.
Un aveu que les fédérations médicales demeurent l’acteur le plus puissant du réseau.
Un aveu que Santé Québec, sans les leviers de gouvernance promis, risque de devenir une coquille administrative de plus.
Christian Dubé quitte parce qu’il sait que, sans ce bras de fer gagné, tout le reste perd son sens.
Et maintenant?
Demain, on saura si la FMOQ accepte l’entente.
Mais peu importe le résultat, une chose est déjà claire : le ministre qui portait la réforme n’y croit plus.
La CAQ devra nommer quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui acceptera de remodeler la Loi 2. Quelqu’un qui fera ce que Dubé a refusé de faire.
La vraie question n’est donc pas qui va le remplacer.
La vraie question est celle-ci :
qui osera encore prétendre qu’on peut réformer la santé sans toucher au pouvoir réel des fédérations… et à quel prix pour les patients?
Christian Dubé part.
La crise, elle, reste entière.

