Le télétravail, la jalousie sociale et la dérive fédérale : quand un gouvernement décide de briser ce qui fonctionne
Le fédéral impose un retour forcé sans logique économique, humaine ou environnementale — une décision qui brise un acquis, fragilise les travailleurs et envoie un dangereux signal à tout le pays.
Le gouvernement fédéral veut forcer les fonctionnaires à retourner au bureau cinq jours par semaine.
Pas trois, pas quatre : cinq.
Comme si la pandémie n’avait jamais existé.
Comme si les transformations des dernières années n’avaient été qu’un accident de parcours.
Dans un pays qui se prétend moderne, numérique et soucieux de l’environnement, cette décision défie toute logique.
Elle n’a pas de justification objective.
Elle n’a pas de soutien populaire réel.
Elle n’a pas de cohérence économique ou organisationnelle.
Et pourtant, elle avance — parce que le gouvernement sait qu’il peut se le permettre.
Le télétravail n’est pas devenu un débat technique.
C’est devenu un révélateur social, un miroir de nos frustrations et un test de la bonne foi du gouvernement envers ses propres employés.
Le télétravail a fonctionné — et même mieux que prévu
Quand la pandémie a forcé le gouvernement à transférer plus de 250 000 employés à distance, c’était un défi colossal :
modernisation informatique
sécurisation des réseaux
équipement des postes
formation
réorganisation complète des équipes
Ce virage a coûté extrêmement cher.
On parle de centaines de millions, possiblement près d’un milliard.
Mais ce qu’on oublie de dire, c’est que ça a fonctionné.
Les rencontres se font, les processus roulent, les systèmes tiennent, les dossiers avancent.
Les services publics n’ont pas cessé de fonctionner.
Dans plusieurs secteurs, ils ont même gagné en efficacité.
Le télétravail n’a pas fragilisé l’État.
Il l’a modernisé.
Et maintenant qu’il fonctionne, on veut le casser.
Le seul argument réel qui reste : la jalousie sociale
Chaque fois qu’on parle du retour forcé, on entend les mêmes commentaires :
« Moi je me lève à 5 h pour aller travailler, pourquoi pas eux ? »
« Dans ma job, je n’ai pas ça, ils sont chanceux. »
« S’ils ne sont pas contents, qu’ils changent de métier. »
Ce discours n’a rien d’analytique.
Il n’est pas économique, ni organisationnel, ni politique.
Il est émotionnel.
C’est l’expression d’une frustration :
« Moi je ne peux pas avoir ça, alors eux non plus. »
On confond justice avec symétrie.
On pense que si un avantage n’est pas accessible à tous, il ne devrait être accessible à personne.
Mais ça ne fonctionne pas comme ça.
Une infirmière ne peut pas soigner à distance.
Un policier ne peut pas patrouiller depuis son salon.
Un mécanicien ne peut pas réparer un moteur en télétravail.
Mais un analyste, un juriste, un gestionnaire, un technicien administratif, un comptable, un spécialiste TI… oui.
Et si certains ne peuvent pas y avoir droit, cela ne devrait pas empêcher ceux qui le peuvent d’en bénéficier.
C’est un principe simple : on ne nivelle pas par le bas.
Le gouvernement fédéral est censé être l’employeur modèle
On oublie trop souvent le rôle du gouvernement dans la définition des normes sociales.
Le fédéral est l’un des plus grands employeurs au pays.
Les grandes entreprises privées regardent ses pratiques pour s’inspirer et ajuster leurs politiques.
Si l’État impose un retour forcé brutal, les entreprises suivront.
On dit aux employés :
« Le travail moderne, c’est fini. Retour à 2015. »
C’est un recul volontaire, assumé.
Et qui en paiera le prix ?
Les familles.
La santé mentale.
Les travailleurs épuisés.
Les routes congestionnées.
Les services publics déjà fragiles.
Le retour forcé est un contresens logistique
Retourner au bureau pour se connecter… sur Teams.
Retourner dans un cubicule pour faire des réunions… avec des collègues qui vivent dans trois provinces différentes.
Perdre 10 à 20 heures par semaine sur la route pour répéter exactement le même travail qu’on fait déjà chez soi, mais avec plus de stress, plus de temps perdu, plus de risques sur la route.
C’est l’absurdité à l’état pur.
Si demain matin on disait aux médecins :
« Vous devrez marcher jusqu’à l’hôpital pour signer vos formulaires électroniques que vous pouvez déjà signer chez vous »,
tout le monde verrait l’idiotie.
Mais comme ça touche les fonctionnaires, l’absurdité devient tolérable politiquement.
L’angle le plus tabou : l’impact psychologique réel
On entend certains chroniqueurs ridiculiser les fonctionnaires :
« Pauvres petits, ils ne veulent plus aller au bureau… »
Ces mêmes chroniqueurs travaillent eux-mêmes en télétravail.
C’est ce qui rend leur discours particulièrement hypocrite.
Ils refusent de voir une réalité humaine simple :
revenir en arrière après une amélioration de qualité de vie est extrêmement difficile.
C’est naturel.
C’est humain.
C’est normal.
On peut vivre dans un petit appartement et être heureux.
Mais si on déménage ensuite dans une maison avec plus d’espace, plus de confort, plus de lumière… et qu’on nous oblige à revenir dans l’ancien logement, ce retour-là sera vécu comme une perte.
Ce n’est pas du caprice.
C’est de la psychologie de base.
Dans la fonction publique, ce retour forcé crée :
stress chronique
perte de motivation
épuisement
dépression
absentéisme
rupture du sentiment d’appartenance
chute de productivité
Et ces gens-là, rappelons-le, doivent fournir des services essentiels à toute la population.
Un fonctionnaire brisé, c’est un État brisé.
Une décision politique, pas administrative
Ce retour forcé n’a rien à voir avec :
la productivité
la qualité du travail
l’efficacité
la collaboration
le service au public
Les données internes montrent que le télétravail fonctionne.
Les gestionnaires le savent.
Les employés le savent.
Le gouvernement le sait.
Alors pourquoi le faire ?
Parce que c’est une façon détournée de réduire la fonction publique sans assumer les coûts politiques de licenciements massifs.
On crée un environnement si hostile que certaines personnes vont partir d’elles-mêmes.
C’est un plan d’attrition déguisé.
Et pendant ce temps, on donne un signal au secteur privé :
« Faites pareil. Serrez la vis. On ne vous le reprochera pas. »
Le télétravail n’est pas un privilège : c’est un progrès
Le télétravail ne doit pas être vu comme un caprice ou un cadeau.
C’est un outil moderne qui :
réduit les émissions
réduit la congestion
réduit les coûts
réduit le stress
augmente la productivité
améliore la conciliation travail-famille
Ce n’est pas une mode : c’est une évolution naturelle du travail intellectuel.
Revenir en arrière, ce n’est pas revenir à la normale.
C’est revenir à une époque moins humaine, moins efficace, et moins adaptée à la réalité moderne.
Et c’est là le danger :
un gouvernement qui casse quelque chose qui fonctionne
juste parce que certains ne peuvent pas en bénéficier
ou parce que ça sert une stratégie politique obscure
Ce n’est pas juste une erreur administrative.
C’est une erreur de société.
Quand un gouvernement va contre la logique, la science et l’humain, il affaiblit tout le monde
Le fédéral avait une chance historique de devenir un modèle d’adaptation, de modernité et de respect des travailleurs.
Il a choisi l’inverse.
Il a choisi l’autoritarisme administratif.
Et quand un gouvernement ignore la logique et méprise ses propres employés, ce n’est pas lui qui perd — c’est l’ensemble des citoyens.
Un État qui rend ses travailleurs malheureux est un État qui sert mal sa population.
Personne n’y gagne.

