PSPP, la loyauté et le malaise : Et si le vrai débat était celui qu’on refuse d’avoir ?
Les artistes peuvent-ils rester spectateurs ?
On peut trouver les mots trop durs. Les artistes se sont braqués. Les chroniqueurs se sont indignés. Les commentateurs ont parlé de populisme, d’arrogance, de reproche déplacé. Mais dans toute cette tempête médiatique, il y a quelque chose qu’on a soigneusement évité : on a débattu du ton — jamais du fond.
Paul St-Pierre Plamondon n’a pas dit :
« Soyez loyaux au Parti québécois. »
Il a dit — maladroitement ou intensément, selon le lecteur —
qu’un peuple ne peut pas défendre sa culture s’il n’en est pas le maître.
Ce rappel brutal arrive dans un contexte qu’on ne peut pas effacer du tableau.
Quelques heures plus tôt, Marc Miller était nommé ministre de la Culture et de l’Identité canadiennes. Un Québécois — francophone — qui, dès son premier jour, dit qu’il est « tanné » de cette conversation sur l’identité et qu’il faudrait passer à autre chose.
Comme si l’érosion du français n’était plus un enjeu, mais une lassitude administrative.
François Legault l’a traité de honte pour les Québécois.
PSPP a réagi avec la même intensité.
Et pendant ce temps, une partie du milieu culturel a servi les félicitations protocolaires, comme on coupe un ruban, sourire prudent, communiqué précoce.
Pour un souverainiste qui travaille à bâtir un pays, qui répète depuis des années que la langue est le pilier du collectif, voir ses artistes applaudir poliment celui qui relativise le déclin du français, ce n’est pas neutre :
c’est perçu comme une indifférence, pas par malice, mais par normalisation.
Et c’est là que le débat dérape.
On s’arrache les vêtements sur un adjectif —
mais personne ne répond à la question fondamentale :
À qui appartient notre culture ?
Celle qui raconte le monde à nos enfants.
Celle qui finance nos histoires, nos films, nos livres, nos chansons.
Celle qui, demain, décidera ce qui doit être dit — et ce qui doit être oublié.
Les plateformes américaines détournent l’attention et siphonnent les revenus : c’est vrai.
Mais il y a une priorité encore plus fondamentale :
avant de se battre contre les géants, il faut être propriétaire de sa maison culturelle.
Aujourd’hui, la culture québécoise est financée, balisée et arbitrée par un autre pays, pour qui le français n’est pas une langue nationale mais une exception.
Dans ce jeu-là, la culture dominante gagnera toujours,
et la sous-culture sera sacrifiée quand il faudra choisir.
PSPP n’a pas reproché à des artistes d’exister en dehors de son programme.
Il leur a reproché de réagir comme si de rien n’était.
Parce que les artistes ne sont pas des figurants de la société.
Ils sont le miroir, le récit, la mémoire.
Quand ils parlent, un peuple se reconnaît, se redresse ou s’oublie.
Ce qu’on appelle “loyauté” n’est peut-être pas une allégeance à un chef.
C’est peut-être simplement la volonté de ne pas être spectateur de sa propre disparition.
On peut reprocher à PSPP son intensité, son franc-parler, son absence de gants blancs.
Mais reprocher à un chef souverainiste de rappeler la nécessité d’être souverain culturellement,
c’est refuser la logique même de ce qu’il incarne.
Et peut-être que, dans ce vacarme d’indignation fabriquée,
la vraie question est celle que personne n’a voulu toucher :
Comment une nation peut-elle espérer affronter les géants du web si elle n’est même pas propriétaire de sa propre culture ?
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